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« …La colline du Herzenbourg, couronnée de son manoir caché derrière un rideau de vieux arbres, c’est déjà Sickert. Cette ancienne maison patricienne donne au paysage son cachet et, avec son passé plus que séculaire, elle fait intimement partie du patrimoine sickertois qu’elle a singulièrement enrichi par l’apport nouveau, exceptionnel, voire inattendu, de sa vie interne et de son rayonnement… »

Abbé Metzger 1963     

Les Warnod, une famille industrieuse et patriote

En 1805, Jean Witz, natif de Mulhouse, crée sous la raison sociale Witz-Steffan-Oswald-frères, une fonderie, une chaudronnerie ainsi qu’un laminoir de cuivre à Niederbruck. Quelques années plus tard, Jonas Pierre Warnod et Julie Py s’installent au village. Il s’agit d’une famille nombreuse originaire de Neuchâtel en Suisse ayant perdu le plus jeune des fils au champ d’honneur en Russie, lors des guerres napoléoniennes. Elle obtient la nationalité française à Niederbruck. Le premier des trois enfants, Auguste Warnod, né à Neuchâtel le 23 septembre 1783, maître des forges, et maire de Niederbruck de 1831 à 1846 se marie avec une fille Oswald, Catherine (1795-1847). Il décède d’une maladie poitrinaire le 16 décembre 1853, à l’âge de 71 ans. Son frère Ferdinand (1787-1848), nommé chevalier de l’Empire, épousera successivement une demoiselle Guinanth, puis Louise Witz et Salomé Hartmann.
Ferdinand Warnod embrasse très jeune la carrière militaire. II participe, sous Napoléon, à la campagne d’Espagne et est élevé au grade de capitaine. En Russie, il combat aux côtés du maréchal Poniatowski et est blessé à la Bérézina. Pendant qu’il gisait dans un fossé, un escadron de Cosaques passe par-dessus son corps. Ferdinand se traîne durant tout l’hiver d’un lieu à l’autre, vivant de privations et souffrant beaucoup de sa blessure. Enfin, de braves paysans polonais le recueillent et prennent de lui un soin tout paternel. Après son complet rétablissement, il rejoint ses frères à Lyon et vient plus tard s’établir avec eux à Niederbruck. Bon et généreux, Ferdinand aimait d’autant plus la vie de famille que sa carrière militaire l’en avait éloigné longtemps. Nommé chevalier d’Empire, il jouissait d’une rente perpétuelle de 500 francs or.
Enfin, Frédéric Guillaume Warnod, (1789-1869). Premier magistrat de Niederbruck de 1846 à sa mort, il succède comme maire du village à son frère Auguste. Promu chevalier de la Légion d’honneur, il épouse Marie Witz (1803-1879), fille de Jean, décédée à Niederbruck. Quant aux trois filles Warnod, Adèle (1795-1871) épouse Jean Guillaume Oswald, Henriette (1805-1854) se marie avec un fils de Jean Witz et Françoise devient l’épouse, en 1844, du petit-fils du pasteur et médecin Oberlin.

Une fonderie spécialisée dans la fabrication du laiton

Après des débuts modestes, la petite industrie métallurgique, implantée au bord de la Doller, se spécialise à partir de 1822 dans la fabrication du laiton, dit le faux or. En 1841, Oswald Frères et Warnod en prennent la direction, tandis que Ferdinand installe une trèflerie et un laminoir dans l’ancien moulin à blé, à Kirchberg. L’usine, qui produit des fils et plaques en laiton pur et en cuivre pour l’horlogerie, est en pleine prospérité lorsqu’éclate la guerre de 1870. La famille Warnod se disperse alors et s’installe majoritairement à Giromagny. Elle abandonne l’usine qui sera reprise par Joseph Vogt.

Aujourd’hui, deux monuments funéraires, érigés au cimetière protestant de Masevaux, rappellent l’existence de cette noble famille des Warnod qui a développé l’industrie métallurgique à Niederbruck et construit la maison de maître du Hertzenbourg à Sickert.

Une maison de campagne pour Auguste Warnod

« Le Herzenbourg doit tenir son nom de la terre « Gewann Herzenburg », lieu-dit de cette colline qui surplombe le village de Sickert et qui a encore à ses confins le Zollenburg et l’Eichburg.

Et c’est le Herzenbourg qui retient l’attention de la famille de Jonas-Pierre Warnod-Julie Py venue s’installer à Niederbruck après les guerres napoléoniennes.
Le premier des trois enfants, Auguste Warnod choisit le Herzenbourg pour y construire une maison de campagne. Protestants pratiquants et pieux, leur influence bienfaisante se fait rapidement sentir dans le village de Sickert quand, vers 1830, Auguste Warnod entreprend la construction de la première maison du Herzenbourg, qui abrita longtemps les dortoirs de la colonie de vacances. »

Alfred Warnod fait construire la grande maison

En cette même année 1844, l’aînée des filles d’Auguste, Julie Warnod, se marie avec son propre cousin, Alfred Warnod, fils de Ferdinand. Le souvenir d’Alfred Warnod reste aujourd’hui encore vivant dans la mémoire des vieilles générations à Sickert.

C’est lui qui a construit aux environs de 1845-48 la grande maison, l’actuel château du Herzenbourg. Dans les années avant 1900, on pouvait le voir descendre vers Masevaux à l’aide de deux grandes perches à crochets de hauteur d’homme, ce qui lui a valu auprès des villageois le surnom « Hoockemann ».

Les filles d’Alfred et Julie Warnod

Alfred Warnod devait avoir 5 enfants, dont 3 fils morts jeunes ou sans descendance. Des deux filles, l’une, Mlle Mathilde Warnod, appelée par sa famille et par son entourage « la bonne » à cause de sa grande bonté, fut une « sainte protestante » disaient les gens de Sickert. Il n’était pas rare de la voir dans le village où elle secourait les pauvres, visitait les malades et enseignait bénévolement la couture aux fillettes du village. Avec elle s’est éteint, en 1931, le nom des Warnod dans la vallée.

Restaient au Herzenbourg Mme Élisa Beck-Warnod (décédée en 1938) surnommée « la belle » et son fils Auguste. Ce dernier était un homme intègre. Il aimait à rappeler que lui, protestant, alors fonctionnaire de l’enregistrement en Savoie, lors des fameux inventaires établis pour spolier et primer l’Église catholique de France, ne voulait pas prêter main à ce vol manifeste. Ce refus lui a fait perdre sa situation. Depuis ce jour il menait une vie retirée au Herzenbourg, ne parlant que français, vivant de rentes par titres et trouvant son plaisir dans de longues promenades à travers champs. M. Auguste se disait naturaliste. Jamais il ne sortait sans emporter avec lui son trop légendaire parapluie, son parasol et ses thermomètres. Après la mort de sa mère, Auguste Beck se retire chez les Frères de St Jean de Dieu à Sentheim, où en juin 1940, se promenant dans les bois suivant son habitude prise au Herzenbourg, malgré les combats rapprochés, il est tué par une balle ennemie dans la forêt de Sentheim.

La mort de M. Auguste Beck, dernier petit-fils d’Alfred Warnod, consacre la disparition d’une ancienne famille de pionniers dans le domaine de l’industrie de la vallée. Ce décès tire le trait final sous le temps de la belle époque du 19e et du début du 20e siècle, avec sa vie aisée pour les familles bourgeoises.
« … L’ancien « Herrenweg », le chemin des Seigneurs qui, depuis l’érection de la gare de Sickert, longe la voie ferrée et tourne sur les hauteurs vers le Herzenbourg, a dû voir passer bien souvent des cavaliers et des calèches avec de belles dames. (ndlr : il existe toujours mais n’est plus entretenu). Quant au petit bois, dénommé « Englischer Garten », orné de beaux arbres exotiques, couvrant de son majestueux ombrage tout le versant nord de la colline, n’a-t-il pas souvent résonné des cris joyeux des enfants, lors des fêtes familiales et des réceptions ? N’a-t-il pas abrité sous ses beaux feuillages d’élégants invités de Bâle, de Mulhouse, de Giromagny, où une autre branche Warnod s’était établie, et les industriels de la vallée qui tous, lors de ces invitations ont dû jaser gaiement et deviser finement dans un français classique et beau, alors que sur la montagne voisine patrouillaient depuis 1871 les douaniers prussiens ou que dans la petite maison « habitait » depuis 1900 le « Herr Oberförster Seybold ». Au Herzenbourg, on était de bons patriotes et de bons chrétiens. Dans la devise de la famille Warnod : « Dieu est Amour » est résumée la foi qui animait les habitants du Herzenbourg. »

Le Herzenbourg de 1937 à 1945

« Après la mort de Mlle Mathilde Warnod, la propriété du Herzenbourg passe à l’un de ses parents, un nommé Roehrig, brasseur à Barcelone. Par suite de la guerre civile d’Espagne, ce dernier se voit contraint de quitter ce pays en pleine effervescence et il vient se réfugier dans la famille de M. Moritz, brasseur à Pfaffenhoffen dans le Bas-Rhin, dont il est d’ailleurs le gendre.

Une revente difficile

Pour rendre service à sa cousine, Mme Élisa Beck-Warnod, il a en son temps, en 1931, acquis le Herzenbourg, reconnaissant à sa cousine l’usufruit de la maison et à Auguste Beck, fils de cette dernière, le droit d’habitation gratuite jusqu’à 6 semaines au-delà du décès de sa mère.

Mais maintenant, démuni lui-même de fonds par suite des événements d’Espagne, M. Roehrig cherche à revendre le Herzenbourg. C’est ainsi qu’il adresse en automne 1937 une offre de vente à M. Albert Ottenwalter, industriel à Mulhouse. Ce dernier a perdu dans un incendie sa propre colonie de vacances, Notre-Dame Montjoie du Bonhomme. Il est en quête d’une colonie de remplacement.

Une entrevue avec la dame du Herzenbourg, Mme Beck-Warnod, alors âgée de 88 ans, lui fait abandonner ce projet, car il n’est pas pensable de songer à l’occupation immédiate des lieux et de déloger de cette demeure la dernière demoiselle Warnod, sans manquer aux stipulations conclues entre elle et M. Roehrig, et surtout sans manquer d’humanité à son égard.

Elle devait d’ailleurs faire connaître sa pensée -en quelques mots empreints de douceur et d’émotion, mais où la résolution n’était pas absente : « Le Herzenbourg, dit-elle à ses visiteurs, vous savez, le Herzenbourg est une maison bénie de Dieu. J’y suis née. Je veux y mourir ! » Il en fut ainsi.

Une nouvelle destination pour le Herzenbourg

À sa mort, survenue en 1938, le Herzenbourg devient effectivement libre ; et sur l’entremise de Me Breitschmitt, notaire à Masevaux, les pourparlers interrompus en 1937 reprennent entre M. Roehrig et M. Ottenwalter. Après bien des hésitations, un incident, banal en lui-même, devait emporter les dernières réserves et hâter la conclusion de cette vente. L’aumônier de la J.O.C. de Mulhouse, M. l’abbé Durwell, en peine de trouver une colonie pour ses jocistes, vient trouver un jour les futurs maîtres du Herzenbourg pour leur confier son désarroi. « Un seul espoir me reste, dit-il. À Masevaux, une dame « Herzenberg », il s’agissait de Mme Beck, est morte. J’ai écrit à M. le Doyen pour obtenir si possible la location de cette maison. » Il ne fallait pas hésiter sur la portée et le sens de cette visite providentielle. La décision est rapide et deux jours après l’affaire est conclue.

M. Roehrig et son épouse, tous deux morts depuis, méritent un hommage particulier, car ayant pris connaissance de la destination nouvelle du Herzenbourg comme maison de vacances pour la jeunesse catholique, sous direction de prêtres, ils font un geste généreux, et offrent aux nouveaux acquéreurs des conditions avenantes ; et ceci bien qu’un grand commerçant mulhousien leur ait offert entre-temps une somme plus élevée. L’acte d’achat du Herzenbourg est signé au mois de juin 1938. C’était le jour de la fête du Sacré-Cœur.

La maison laissée à l’abandon depuis quelques années a besoin d’une remise en état immédiate et déjà le 5 août 1938 le premier groupe J.O.C. mulhousien y fait son entrée et ouvre pour le Herzenbourg une nouvelle page de son histoire. »
La ferme comprise dans la propriété retrouve, elle aussi, une activité régulière. Un échange intense se fait entre les villageois et ses gérants. Ceux-ci n’étaient pas tous originaires de Sickert, mais tous étaient vite adoptés. Parmi eux, les noms de quelques familles sickertoises se retrouvent, notamment celui de Nicolas Haas dont Louis Zimmermann, ancien maire de Sickert, est un petit-fils, celui de Jérôme Farny ou de Simon Kessler …

De nos jours, « ce havre de paix où l’âme respire » -R. Metzger, a conservé son aura de sérénité et de noblesse, même si les relations avec la population locale ont disparu ou relèvent d’une activité essentiellement privée.

 

Jean Bruckert

Sources :

« Chronique du Herzenbourg » rédigée par Madame Hélène Ottenwalter, née Schumacher et parue en 1963 dans la brochure de la chorale de Sickert
« L’histoire des Warnod, industriels et maires, journal l’Alsace, 31 juillet 2009 » rédigé par René Limacher, historien, +2013, Vice-Président de la Société d’Histoire de Masevaux 

Ottenwalter née Schumacher Hélène Marie Eugénie : 1896-1975
Épouse de Ottenwalter Thiébaut Albert, ingénieur, industriel, maire de Sickert

Fiche généalogique de Thiébaut Albert OTTENWALTER


Naissance
: * Altkirch, 68004, Haut-Rhin, Alsace, France 28/02/1891
Décès : + Sickert, 68308, Haut-Rhin, Alsace, France 08/04/1967

Père : Jean Thiébaud OTTENWAELTER-facteur [06/08/1861 à Thann (1 Enfant)]
Mère : Véronique NEGELEN [20/05/1845 (1 Enfant)]

Épouse : Riedisheim, 68400, Haut-Rhin, Alsace, France 01/09/1919 avec Hélène Marie Eugénie SCHUMACHER [20/12/1896 – 18/02/1975 (3 Enfants)]

Enfants : Christiane Véronique Eugénie OTTENWALTER [15/12/1920 – 04/09/1994 (3 Enfants)]
Marie Suzanne Hélène Alberte OTTENWALTER [24/05/1924 – 2014]
Véronique Aline OTTENWALTER [05/01/1928]

Annotations : Maire de Sickert
Décès déclaré par Frey Christiane née Ottenwalter, 46 ans, fille du défunt
Domicile à Sickert : Lieu-dit Hertzenbourg

Sources : Etat-civil de Sickert

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